Michaël Lucas : Pourquoi les compensations carbones sont-elles une fausse solution ?

Episode 5 February 02, 2024 01:09:10
Michaël Lucas : Pourquoi les compensations carbones sont-elles une fausse solution ?
Anescht Liewen - E Podcast vun der ASTM
Michaël Lucas : Pourquoi les compensations carbones sont-elles une fausse solution ?

Feb 02 2024 | 01:09:10

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Show Notes

Invité : Michaël Lucas (coordinateur général ASTM)

À l’occasion de la COP28, l’ASTM s’est penché plus spécifiquement sur ce qui est présenté comme un élément de réponse au dérèglement climatique : la compensation carbone.

La compensation carbone est un mécanisme volontaire (à ne pas confondre avec l’échange des quotas carbone dans le cadre des marchés réglementés) qui permet aux entreprises, aux particuliers et aux États de « neutraliser » leurs émissions de carbone par le financement de projets séquestrateurs de CO2 (ou, parfois aussi, des projets d’évitement d’émission). Le principe qui sous-tend la compensation est celui de la neutralité. On augmente d’un côté ; on diminue de l’autre. C’est la théorie.

Avec Michaël Lucas nous discutons en détail les constats de l’ASTM sur ce marché des crédits carbone. Comment est généré un crédit ? Qui vérifie la plus-value d’un projet ? Quels sont les problèmes de la mise en oeuvre de tels projets dans les pays du Sud ?

La conversation se tient en français.

 

Liens

ASTM : COP28 : UN PAS DE PLUS VERS LE COLONIALISME-CARBONE ?

https://astm.lu/cop28-un-pas-de-plus-vers-le-colonialisme-carbone/

https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe

https://www.climatealliance.org/fileadmin/Inhalte/1_About_us/Association_docs/2019-08-14_On_Net_Zero_-_Climate_Alliance_Discussion_Paper.pdf

https://carbonmarketwatch.org/2023/12/13/cop28-article-6-failure-avoids-a-worse-outcome/

 

Kultur mam Anne

LA COMPENSATION CARBONE VOLONTAIRE -Structuration et reconfigurations d'un éco-business

Angéline Chartier; Moïse Tsayem Demaze

https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_compensation_carbone_volontaire_structuration_et_reconfigurations_d_un_eco_business_angeline_chartier_moise_tsayem_demaze-9782343220581-69816.html

www.citim.lu

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Episode Transcript

[00:00:08] Speaker A: Anne Schliewen, et podcast de l'ASTM. [00:00:26] Speaker B: Bienvenue à Anish Lirven, le podcast de l'ASTM. J'ai ici mon collègue de l'Association climatique de Luxembourg à Radio ARA. Je m'appelle Cédric Reichel. Bienvenue à Anish Lirven au mois de février 2024. Je vais parler aujourd'hui avec Michael Lucas, le coordonnateur général de l'ASTM, sur la compensation carbone volontaire, c'est-à-dire quand je peux compenser mon CO2, volontairement, par exemple quand je pleure, ou quand on prend un bus, il y a des mécanismes qui peuvent compenser. Il y a aussi des grandes entreprises. On voit toujours plus d'articles qui disent « climat neutre » ou « CO2 neutre » ou même « climat positif » dans ces articles. Qu'est-ce que vous pensez qu'il s'agit d'ici et de quelle ville en fait ? Sur ce, nous allons parler avec Mika Luka, et ensuite avec Dan Müller du CETIM, qui va nous accompagner dans le studio et nous recommander une littérature sur le sujet. [00:01:44] Speaker C: Alors avec moi au studio aujourd'hui pour l'épisode de février 2024, Mika El Luka, le coordonnateur général de l'ASTM. Bonjour Mika. [00:01:55] Speaker D: Bonjour Cédric. [00:01:55] Speaker C: Bien sûr, on se tutoie quand on travaille ensemble. Ce n'est pas une grande surprise qu'on va se tutoyer aujourd'hui. Alors tu es avec moi au studio pour parler un peu d'un sujet que l'ASTM a traité pour la COP 28, c'est-à-dire la dernière COP qui s'est déroulée Fin novembre jusqu'au début décembre, tu as un peu, disons, coordonné le sujet. Tu t'es mis sur la question des composants carbone. Alors, d'où vient ce sujet? Pourquoi y avait-il du besoin pour traiter ce sujet? [00:02:27] Speaker E: Il y a différentes raisons. [00:02:29] Speaker D: Le sujet prend de l'ampleur. On le voit au travers d'initiatives qui sont prises notamment par le secteur commercial, financier aussi, de s'approprier cette thématique de compensation carbone. en fait, comme un moyen de faire de nouvelles affaires, en réalité. Il y a cette dimension-là, avec une initiative, une dynamique qui se met en place dans le secteur commercial, financier, mais aussi une préoccupation, en tout cas un intérêt de certains ONG, qui y voit aussi un moyen de financement de projets locaux. Et donc, il nous semblait utile, en tout cas pour ce qui nous concernait, de faire le point, d'une part pour notre propre pratique aussi, se positionner clairement et également se positionner publiquement par rapport à ce qui est présenté comme une réponse efficace au problème de réchauffement, de dérèglement climatique. [00:03:44] Speaker C: Le sujet n'est pas nouveau, il existe depuis 25 années, mais il y a eu les dernières années une dynamique différente qui a forcé l'ASTM en quelque sorte de se repositionner parce que L'ASTM et aussi le climat budgétaire a une position plutôt critique envers le marché de la compétition carbone volontaire. C'est encore on doit différencier entre le marché volontaire et celui pour les grandes entreprises au Luxembourg, par exemple Bettenfeld que tout le monde connaît, qui sont dans un système différent. Est-ce que tu peux un peu nous orienter? [00:04:22] Speaker E: Oui. [00:04:23] Speaker D: En fait, il y a deux marchés, comme tu viens de le dire. Il y a le marché réglementé et puis il y a le marché volontaire. En fait, c'est des logiques différentes. Le marché réglementé suppose l'intervention de l'État qui fixe, par entreprise, par industrie, qui fixe des maximums d'émissions de gaz à effet de serre. Et donc, dans ce cadre-là, c'est réglementé au niveau de l'Union Européenne, c'est régi par un dispositif européen très, très contraignant. Et donc, dans ce cas-là, on fixe chaque année aux industries, à certaines industries, pas toutes, les grosses industries polluantes et maîtrisent le gaz à effet de serre, on leur fixe un maximum. Et s'ils parviennent à rester sous ce maximum, ils ont une sorte de crédit qu'ils peuvent vendre aux autres industries qui n'y parviendraient pas, qui dépasseraient. [00:05:31] Speaker E: Et donc c'est là qu'il y a. [00:05:33] Speaker D: Le marché réglementé, c'est les échanges ou les ventes entre industries qui sont visées par cette réglementation-là. Donc ça c'est le cadre réglementaire, le marché réglementé et qui n'est pas en rapport, qui n'est pas avec des passerelles avec le marché volontaire. Le marché volontaire, comme son nom l'indique, c'est là où des entreprises, des particuliers, même aussi des États, on le verra, souhaitent compenser, c'est-à-dire souhaitent atteindre un objectif. [00:06:14] Speaker E: De ce qu'on appelle la neutralité carbone. [00:06:17] Speaker D: Mais on peut aussi revenir sur cette nous-sur-là. [00:06:21] Speaker E: Mais donc les entreprises, les particuliers ou. [00:06:26] Speaker D: Les États peuvent donc décider de compenser. [00:06:30] Speaker E: C'Est-À-Dire l'idée de neutraliser les émissions que. [00:06:36] Speaker D: Je fais parce que je ne peux pas m'en passer, eh bien je vais les compenser par des mesures, par un financement de projet qui tendent à augmenter la séquestration de carbone. [00:06:52] Speaker E: Donc la compensation, c'est un mécanisme avec une équation avec d'un côté une augmentation et d'un autre côté une Diminution. [00:07:04] Speaker D: Donc, normalement, cette équation doit toujours être nulle. Donc, là où j'augmente mes émissions, je dois les compenser par un montant, une. [00:07:16] Speaker E: Quantité équivalente de séquestration, ce qu'on appelle aussi le puits carbone. Et donc là, je vais financer, par. [00:07:24] Speaker D: Exemple, des projets de de maintien de. [00:07:29] Speaker E: Forêts ou d'autres projets qui ont pour résultat d'augmenter le prix carbone. [00:07:39] Speaker C: On va parler là dessus plus tard vraiment sur les projets très concrets. Je reste encore sur la motivation de compenser. Moi, je me souviens que la première fois que j'ai rencontré un peu ce mécanisme, disons comme ça, c'était quand j'ai pris il y a quelques années un bus, le Flixbus de Luxembourg à Berlin et j'ai payé mon prix et on m'a offert la possibilité de payer encore 35 centimes plus pour compenser mes émissions que ce trajet de bus permet. Alors moi je ne l'ai pas fait parce que je me disais honnêtement déjà je ne prends pas l'avion c'est à dire en fait j'essaye déjà de réduire mon empreinte carbonique et c'est pour ça que je n'ai pas fait aussi parce que j'ai pas compris la systémique et j'ai pas compris le projet. Où est-ce que vient un peu maintenant cette notoriété aussi du système ? Où est-ce que tu te dis que ça prend quand même une ampleur plus considérable qu'il y a plusieurs années, ce marché volontaire sur lequel on va se pencher ? [00:08:44] Speaker D: D'où vient cette dynamique ? Je crois qu'il y a différents facteurs. Il y a d'une part le fait que la compensation carbone tend à se substituer au financement propre des mesures d'atténuation, d'adaptation. Donc des financements publics, en fait. La différence entre le financement public ou même privé, Mais financement en tant que tel, avec la compensation, c'est que le financement public ou privé des mesures d'atténuation ou d'adaptation n'implique pas un droit de polluer. Alors que la compensation implique un droit de polluer. Et donc les compensations prennent en importance. [00:09:38] Speaker E: Ou croissent du fait que les États. [00:09:43] Speaker D: Des pays riches ne parviennent pas à tenir leurs engagements, à financer les mesures d'atténuation et de compensation. [00:09:52] Speaker E: Et donc on présente dès lors les. [00:09:55] Speaker D: Compensations comme. [00:09:58] Speaker E: C'est une façon de dire qu'on s'occupe quand même du problème. Mais on le fait avec cette grande. [00:10:05] Speaker D: Différence, c'est qu'avec la compensation, on maintient. [00:10:10] Speaker E: Le droit d'émettre des gaz à effet de serre. [00:10:14] Speaker D: Et donc ce qui pose problème dans cette logique, c'est que du fait qu'on a la possibilité de compenser, on ne va pas travailler sur la réduction, on va moins être incité à travailler sur la réduction. [00:10:30] Speaker C: C'est-à-dire que c'est en fait aussi un mécanisme de distraction un peu ? [00:10:35] Speaker E: Oui, de distraction et aussi de... parfois. [00:10:39] Speaker D: Aussi c'est un calcul économique. C'est-à-dire que si moi en tant que. [00:10:46] Speaker E: Producteur de produits de confort par exemple, je me dis le manque à gagner. [00:10:53] Speaker D: Que j'aurai si j'abandonne cette production qui. [00:10:57] Speaker E: Est émettrice par hypothèse de gaz à. [00:11:00] Speaker D: Effet de serre, si je compare ce. [00:11:02] Speaker E: Manque à gagner là avec le coût. [00:11:05] Speaker D: Que j'ai à faire en soutenant un projet de séquestration de carbone, le manque. [00:11:13] Speaker E: À gagner est beaucoup plus important que le coût. Donc je vais quand même continuer mon activité émettrice de gaz à effet de serre, tout en payant un projet de compensation carbone. La difficulté avec ça, c'est qu'aujourd'hui, il. [00:11:38] Speaker D: Faut bien savoir que les émissions de gaz à effet de serre dépassent de loin la séquestration. [00:11:47] Speaker E: Et donc, on ne peut pas... Tous. [00:11:50] Speaker D: Les scénarios du GIEC et toutes les positions du PNUT par exemple aussi indiquent. [00:11:58] Speaker E: Qu'Il faut aujourd'hui pas seulement tendre vers une neutralité carbone mais réduire effectivement les émissions brutes de carbone. [00:12:09] Speaker D: C'est ça la priorité. [00:12:10] Speaker E: Pourquoi ? Parce que les émissions de gaz à effet de serre aujourd'hui sont le double de ce que le puits de carbone naturel absorbe. Et aussi un élément important, c'est que la capacité d'étendre le puits carbone est limitée simplement par le fait des limites d'une part physiques, les espaces qu'on pourrait planter par exemple au travers du monde. [00:12:51] Speaker D: Sont quand même limités parce que ces. [00:12:53] Speaker E: Espaces sont aussi utilisés pour des fonctions agricoles, à vocation alimentaire. Ces espaces sont tout à fait limités. Si on utilisait tout ce qui est présenté comme compensation carbone naturelle, qui est présenté par les États dans leurs propres politiques, si on utilisait tout ça, on utiliserait la moitié de la superficie des États-Unis. C'est énorme. Et donc ça veut dire que c'est en concurrence avec la fonction alimentaire de l'utilisation du sol. Ça c'est un élément limite, première limite, limite naturelle, mais aussi limite à la technologie. Donc on est un peu dans le... C'est typique du discours de défense de la technologie, c'est-à-dire qu'on présente la réponse technologique comme une panacée en disant qu'on est toujours parvenu à résoudre les problèmes. Mais en réalité, les solutions technologiques mises en œuvre ne font souvent que reporter le problème, on déplace le problème, c'est toujours la même chose. Tout se transforme, rien ne disparaît. [00:14:14] Speaker D: Donc, avec la captation du CO2, on. [00:14:19] Speaker E: Va devoir l'enfouir quelque part, et on n'a aucune garantie qu'il ne se libérera. [00:14:27] Speaker D: Pas à un moment donné. [00:14:28] Speaker E: Idem avec les solutions encore plus atmosphériques ou dans l'océan. Là, on est vraiment dans la sphère de l'apprenti sourcier. en jouant sur des équilibres naturels qu'on ne maîtrise pas du tout. Une autre dimension, c'est que souvent, ces réponses aux problèmes climatiques posent aussi des questions de biodiversité. Donc on a une approche singulière ou une approche unidimensionnelle. On va se focaliser sur les émissions de gaz à effet de serre, à supposer qu'on réponde à cette question-là, parce qu'on va y revenir. Ce n'est même pas évident. Mais on va se focaliser sur la question des émissions, mais on va négliger toute une série d'autres problématiques liées au système écologique en général terrestre. [00:15:27] Speaker C: On remarque les dernières années que même les politiciens officiels et les politiciennes, par exemple, du gouvernement, mais aussi les députés, présentent de plus en plus aussi la composante 5 carbone comme une solution à leur vol qu'ils doivent prendre. C'est-à-dire, il y a même maintenant une résolution dans la Chambre qui a été votée pour que les vols qui ne sont pas C'est toujours en braquet, mais en fait, ils disent que les vols qu'ils doivent prendre, alors, ils doivent être obligatoirement compensés. Ça donne une légitimité à un système et ça montre quand même un bon exemple aux autres. Comment tu le vois si des députés et le gouvernement finalement, qui a déjà pris sa décision il y a quelques années, de compenser tous les vols de la délégation, par exemple s'ils visitent la COP ou s'ils participent à des sommets de l'ON, comment tu le vois, la légitimité que ça donne ? [00:16:38] Speaker D: Je crois que c'est un peu une fausse bonne idée, dans ce sens que ce principe tend à renforcer la logique de la compensation, ou à légitimer la logique de la compensation carbone. [00:16:54] Speaker E: Or, c'est la logique même de la. [00:16:57] Speaker D: Compensation carbone qui est problématique. [00:17:00] Speaker E: Et donc, en fait, on pourrait dire c'est une bonne idée, mais ça incite. [00:17:11] Speaker D: Sur le plan symbolique, si le gouvernement fait ça, moi je vais me dire, si pour un voyage d'agrément je vais. [00:17:20] Speaker E: En Thaïlande, je vais compenser. [00:17:24] Speaker D: En fait, ça ne m'incite pas à. [00:17:26] Speaker E: Réfléchir à mes propres déplacements et à ma propre émission de gaz à effet de serre. Donc, quelque part, moi, je préférais une décision où les autorités publiques décident de manière conséquente d'assumer leurs responsabilités différenciées en finançant. [00:17:49] Speaker D: Et si, à côté de ça, on sait très bien que du jour au. [00:17:52] Speaker E: Lendemain, on ne va pas supprimer toutes les émissions de gaz à effet de serre. Mais si, à côté de ça, on. [00:17:59] Speaker D: Se dit qu'on limite au maximum les. [00:18:03] Speaker E: Activités publiques qui sont émettrices de gaz à effet de serre, en ce compris les voyages, les missions, publiques, on les limite au maximum et pour le reste, on alimente correctement les mécanismes de financement propres. Donc je crois aussi qu'à côté de ça, quand on cherche à expliquer ou comprendre les raisons du développement des compensations carbone, il ne faut pas oublier qu'il y a là aussi des opportunités commerciales. qui se sont développées et on voit que les fonds d'investissement, les acteurs de. [00:18:52] Speaker D: La finance commencent à s'intéresser aussi parce. [00:18:54] Speaker E: Que c'est une façon d'engendrer de nouvelles formes de profit. Et donc, vers les années 2010, on a commencé à étendre les possibilités de compensation. Et donc, soudainement, on a pris conscience parce que ce n'est pas arrivé comme ça de manière innocente. Je veux dire, il y avait aussi des intérêts qui étaient en... [00:19:27] Speaker D: En jeu. [00:19:28] Speaker E: Mais petit à petit, la protection, par exemple, de la forêt amazonienne est devenue une sorte de licence pour continuer à polluer. Et donc, en une fois, on a pris conscience de l'intérêt de la protection des forêts amazoniennes, mais aussi des forêts dans nos contrées. Et on s'est dit, on va pouvoir les valoriser. pour les vendre à des entreprises ou des industries qui n'ont pas envie de réduire leurs émissions. [00:20:05] Speaker D: Donc c'est devenu une sorte de source. [00:20:08] Speaker E: Nouvelle de revenus, de profits. [00:20:11] Speaker D: C'est un marché. [00:20:12] Speaker C: Un autre problème, dans la note c'est écrit que c'est une commodification de la nature. C'est-à-dire on donne une valeur à une forêt, on donne une valeur à du sol, à l'océan, même à des mammifères. Si je me rappelle bien, il y a même des entreprises qui disent que si on sauve les baleines, on peut aussi séquestrer le CO2. [00:20:35] Speaker E: Oui, oui. Et donc, effectivement, c'est une marchandisation de la nature, effectivement. Et quand on marchandise la nature, en fait, ça pourrait faire que la défense, la protection de la nature n'est intéressante que dans la mesure où elle génère du profit, puisque on place la nature comme marchandise. Donc, le rôle du marchandise, c'est de générer. Donc, on vise à vendre les services écosystémiques de la nature. Et donc, on ne va le faire que si ça engendre du profit. En fait, on est là typiquement dans un cas où l'économie commence à exister par elle-même et au détriment de considérations sociales, de considérations écologiques. On est dans ce que Karl Polanyi appelait le désencastrement ou le désenchassement de l'économie par rapport à la société et par rapport au système physique dans lequel la société et l'économie doivent s'encastrer normalement. Donc ici, la logique, c'est que les services écosystémiques de la nature, donc la séquestration que la nature fait du CO2 va devenir une marchandise et elle n'est défendue que dans la mesure où elle engendre du profit. Mais alors là aussi, on va y revenir, mais c'est cette marchandisation qui. [00:22:20] Speaker D: Induit. [00:22:21] Speaker E: Aussi tous les abus qui ont été révélés récemment sur la façon dont on certifie les projets. [00:22:32] Speaker C: Avant de venir sur la question comment on crée les crédits carbone, parce que je crois que ça, c'est la question de base pour comprendre le système. J'ai lu sur un site français qui fait un peu de pédagogie sur la compensation carbone aussi pour les entreprises. Là, c'est écrit clairement qu'en fait, La composition est la troisième étape du processus de décarbonation. C'est-à-dire, ils décrivent quand même que d'abord on doit réduire, on doit adapter sa consommation et tout. Et seulement si tout est mis en place et on fait son calcul d'émissions, on voit qu'il y a encore un reste qui n'est pas à éviter. Alors on a, disons, le droit ou l'obligation morale à la compensation. Est-ce que c'est une solution qui va nous... qui va être de long terme parce qu'elle est quand même aussi inscrite par exemple dans les agréments de Paris. C'est-à-dire que ce marché fait quand même partie de toute la discussion sur la. [00:23:43] Speaker B: Solution de la crise climatique. [00:23:46] Speaker E: Oui. [00:23:47] Speaker D: Mais toute la question, je crois, se. [00:23:50] Speaker E: Pose au premier stade, quand tu as dit « une fois qu'on a tout. [00:23:55] Speaker D: Essayé pour réduire ». [00:23:57] Speaker E: Mais ça veut dire quoi, en fait ? Je veux dire, ça pose la question de savoir ce qui est légitime comme besoin à rencontrer. Parce qu'en fait, les gaz... à effet de serre, sont produits principalement pour la production de biens, de consommation, que ce soit alimentaire ou d'agrément, ou de confort, ou de déplacement, tout. Or, dans l'état actuel des choses. [00:24:37] Speaker A: Les. [00:24:37] Speaker E: Pays occidentaux, cette émission est de loin supérieure à ce que la biocapacité de la Terre peut supporter, en réalité. Le problème, c'est qu'il y a un dépassement très important. La question de la réduction des gaz à effet de serre pour les populations des pays aisés se pose vraiment. Est-ce que le mode de vie qu'on appelle impérial est négociable ? Je crois qu'aujourd'hui, dans l'esprit des gens, des politiques, l'idée n'est pas de négocier ce mode de vie impérial. On se dit oui, il sera possible. Il y a deux réponses. C'est d'une part la réponse technologique en disant non, on va pouvoir répondre à tout. Et l'autre réponse, c'est un point crucial, c'est la démographie. La démographie, c'est comme cette idée que oui, mais il y a trop de. [00:25:54] Speaker D: Personnes sur la Terre. [00:25:58] Speaker E: Et donc, pour qu'on puisse assurer un mode de vie correct à tout le monde, il faut réduire le... C'est une prise de position qui suppose qu'on considère que le mode de vie occidental est un peu le standard en réalité. [00:26:19] Speaker C: C'est aussi l'idéal, c'est ce qui est un peu difficile. On dit que notre motiver est celui qui est l'idéal et le supérieur à tous les autres et que c'est celui à conserver. Là, il y a encore des autres notions très problématiques derrière. Mais aussi, en fait, on ne se pose pas la question que peut-être Les solutions sont aussi dans un changement de comportement et pas seulement dans un changement de technologie ou d'accessibilité d'énergie. [00:26:48] Speaker E: Oui, oui. Mais quand tu dis changement de comportement, c'est effectivement un changement de comportement, mais les réponses doivent être structurelles et pas individuelles. Donc ça, c'est quand même quelque chose auquel je trouve qu'on doit vraiment être attentif. Parce qu'il y a cette tendance à dire que c'est le choix du consommateur. Et en fait, les compensations carbone vont un peu dans ce sens-là. C'est à vous à choisir. Mais non. Parce qu'en réalité, c'est les structures qui induisent et qui incitent, enfin les structures capitalistiques en fait, qui incitent à toujours produire plus et à marchandiser toujours plus. En fait, on cherche toujours des nouvelles formes de débouchés, que ce soit dans l'absolu, c'est-à-dire qu'on va rendre un bien incorporel ou un bien immatériel, on va soudainement le transformer en marchandise fictive. Ça devient une marchandise, mais de manière tout à fait artificielle et fictive. Par exemple, l'autre jour, je lisais qu'on présentait une nouvelle station de ski dans les Alpes. Et on disait c'est génial, il n'y aura plus de remontement, etc. Et donc c'est une station de ski durable. Mais oui, mais en réalité, on n'avait pas besoin de ça pour aller faire du ski. de cette manière-là. Mais c'est l'occasion de marchandiser quelque chose qui, bientôt, pour aller marcher dans les bois et profiter des beaux paysages, il faudra aussi payer parce qu'on va le marchandiser. Donc, on marchandise toujours plus des biens immatériels, des biens incorporels, mais aussi on étend toujours la sphère géographique de la marchandisation aussi. [00:28:41] Speaker C: Alors, maintenant, la question clé. D'où proviennent les crédits carbone? Qu'est-ce qui... Si j'aurais investi mes 35 centimes pour mon trajet en bus de Luxembourg à Berlin sur ce site, Qu'est-ce qui va être fait avec mon argent et qu'est-ce que ça veut dire un crédit carbone, en fait ? Qui définit, par exemple, le prix et tout ça ? [00:29:07] Speaker E: Je ne comprends pas. La théorie, c'est que généralement, c'est quand même des projets dans le sud global qui sont concernés et qui visent donc à théoriquement, augmenter ce qu'on appelle le puits carbone. Donc on va, au travers de phénomènes naturels, qui sont renforcés par l'action humaine, on va augmenter la séquestration carbone. C'est-à-dire que, par exemple, on va planter un nouveau bois ou une nouvelle forêt On va planter des arbres. De ce fait-là, le carbone va être davantage séquestré. Ça, c'est la théorie. Par exemple, on peut aussi, dans un des cas qu'on avait cités dans notre étude, on a aussi des situations où on va changer les techniques d'élevage. C'est le projet au Kenya. ou des éleveurs nomades sur 2 millions d'hectares. C'est un territoire assez vaste, 2 millions d'hectares. [00:30:35] Speaker C: C'est la Slovénie. [00:30:37] Speaker E: C'est énorme. 2 millions d'hectares, 100 000 personnes, plutôt des nomades, des éleveurs nomades qui ont l'habitude et qui fonctionnent de cette manière-là depuis des siècles. Ils ont développé un mode de fonctionnement et s'il continue à fonctionner, c'est qu'ils ont trouvé une sorte d'équilibre entre la régénération naturelle et leurs besoins d'élevage. Et donc là, le projet qui est censé donner lieu à l'émission de certificats, de certificats crédit carbone, ce projet-là vise à remplacer les méthodes non planifiées, soi-disant, des populations locales, par une nouvelle gestion planifiée avec des rotations imposées. Cette nouvelle gestion aurait pour effet d'augmenter le couvert végétal et donc d'augmenter la capacité de séquestration des terres dans ce cas-là. Dans cette mesure-là, on évalue, on se dit qu'on va pouvoir absorber trois quarts ou 75% de plus, dans cette mesure-là, moi, en tant que promoteur de ce projet-là, j'ai un crédit carbone dans la même proportion et que je vais pouvoir vendre à un industriel occidental qui, lui, pourra dire Mes émissions de gaz à effet de serre sont compensées parce que j'ai contribué, de l'autre côté, à augmenter l'absorption. Donc ça, c'est la théorie. Elle est en soi critiquable parce qu'on l'a vu, c'est un système où il y a une sorte de statu quo, où ça n'induit pas à une réduction absolue des émissions. Or, on sait qu'on a besoin de réduction absolue. Donc ça, c'est une première critique sur le principe même. Il y a aussi d'autres critiques. On y reviendra. Mais en fait, dans la réalité, ce n'est pas le cas. Donc, ça, c'est plutôt une question de mise en œuvre et de contrôle et de certification. Mais dans la réalité des choses, ce n'est pas le cas. Et là... [00:33:17] Speaker C: Mais revenons un peu un pas en arrière. Déjà, l'idée de contrôler l'écosystème et d'avoir une certaine attitude de supériorité, parce que ces calculs sont seulement possibles si la nature va accepter notre supériorité de planification. D'où vient cette attitude de pouvoir contrôler les forêts? Parce qu'on sait très bien que les projets de forestation, ça ne fonctionne pas. [00:33:48] Speaker E: Oui, d'où ça vient ? C'est un peu une approche où on va hiérarchiser entre les savoirs et les pratiques ancestrales de populations. On va hiérarchiser ces savoirs-là avec les savoirs scientifiques, c'est-à-dire ceux développés par la science, avec une volonté ou en tout cas une prétention à maîtriser tout. Avec des modèles et des approches scientifiques, on se dit qu'on peut maîtriser tout et on néglige évidemment... Le vivant, l'environnement vivant est tellement complexe qu'il est quasiment impossible de... d'anticiper les conséquences d'une modification par-ci par-là. Et donc, on considère, avec une sorte de prétention de l'homme qui a compris comment fonctionne la nature, eh bien moi, je vais dire maintenant, je vais changer ça et je pourrai améliorer, par exemple, la séquestration carbone. Voilà, donc c'est ça qui explique que, et donc on est là aussi dans une approche coloniale en fait. On dit, nous on sait comment fonctionnent les choses et on va vous les imposer. Mais à côté de ça, il y a aussi, enfin on peut revenir, je ne veux pas enlever, on peut revenir sur certaines questions. Mais dans la problématique coloniale, il y a aussi cette question ou cette critique qu'on peut adresser aux compensations, c'est qu'on met sur le même pied toutes les émissions de gaz à effet de serre. Et donc, les émissions, à supposer que... à supposer, il faut toujours nuancer, mais à supposer que des populations autochtones ou des communautés indigènes dans le sud global émettraient dans leur mode d'organisation agricole, etc. un peu plus de gaz à effet de serre que si on changeait leur... Eh bien, on dirait, vous, on va vous imposer une restriction sur votre façon de gérer vos terrains. Pourquoi ? Et donc, on dit, vous ne pouvez plus émettre. Pourquoi ? Pour permettre à des industriels, à des personnes dans le Nord global, à continuer à émettre pour des besoins qui ne sont pas les mêmes. D'un côté, on a des besoins primaires, des besoins élémentaires, de subsistance, en fait. Et puis, d'un autre côté, on a des besoins qui sont des besoins de confort. Et donc, on le met sur le même pied. Et donc, en réalité, on prive, on s'accapare le crédit carbone de populations indigènes communauté locale, on s'accapare leur crédit carbone dont eux ont besoin pour leur propre subsistance, parce que la majorité de ces populations sont loin d'avoir utilisé leur crédit écologique en réalité, donc ils sont loin d'avoir épuisé ce crédit-là, et on leur dit non, non, vous, Vous ne bougez plus, vous ne pouvez pas émettre des gaz à effet de serre pour que nous puissions continuer à émettre des gaz à effet de serre pour répondre à nos besoins, qui sont des besoins de confort, de loisirs, qui sont liés à notre mode de vie, comme on dit, impériale. Certains parlent aussi de sociétés exubérantes. Voilà. [00:38:05] Speaker C: Ces projets que tu as mentionnés, par exemple le Kenya, là les crédits carbone ont été achetés par exemple par des grandes... Entreprises comme Meta, comme Facebook et Netflix, ce sont des entreprises qui se disent qu'ils ont maintenant une stratégie pour être CO2 neutre en 2030, par exemple. C'est seulement possible grâce à des projets où il n'y a pas de garantie que Ça présente vraiment un progrès. [00:38:36] Speaker E: Qui certifie ? [00:38:37] Speaker C: Comment c'est possible pour une entreprise comme Netflix d'acheter ? [00:38:41] Speaker B: Comment fonctionne ce marché ? [00:38:42] Speaker C: Où est-ce qu'on achète maintenant un certificat ? Et qui certifie aussi ces projets ? [00:38:50] Speaker E: Donc il y a une forme de réglementation existante au niveau international qui impose certaines conditions, par exemple l'additionnalité, l'absence de fuites, etc. Donc il y a une série de conditions qui doivent être rencontrées pour que ces projets soient éligibles au titre de crédit carbone. Et donc il y a des certificateurs qui sont payés pour valider ces projets au regard des conditions qui sont énoncées. C'est souvent le même type de problématique. Soit le porteur de projet, ça peut être une entreprise commerciale, ça peut être une ONG, va demander à un certificateur d'attester qu'on a bien séquestré, à travers notre projet, des dégâts du CO2, on l'a bien séquestré, plus que ce qui aurait été le cas si on n'était pas intervenu. Donc on a augmenté le prix carbone. Moi, en tant qu'ONG, si je développe un projet pareil, ou bien une société commerciale, je vais demander au certificateur. J'ai tout intérêt à ce que le certificateur dise, oui, vous avez augmenté beaucoup, et donc c'est moi qui le paye. J'ai un intérêt à ce qu'il soit le plus favorable à ma thèse possible. Il y a toujours un peu un équilibre entre une... un respect de l'indépendance du certificateur, mais malgré tout, la pression, elle est là. Et je dis ça, c'est l'explication théorique, mais dans la réalité, et là, on peut en venir à cette fameuse étude qui a été publiée l'année passée, début de l'année passée, et qui avait été relayée par deux médias, The Guardian et Die Zeit, en Allemagne. et qui avait porté sur l'examen de 30 projets certifiés par le certificateur Vera, qui est le plus grand. Ils ne sont pas nombreux. Lui, c'est le plus grand. Il a une position... C'est un Etats-Unien, donc ils ont une position un peu monopolistique. C'est une association qui a examiné les résultats sur 30 projets. Leur constat, c'est que sur ces 30 projets, 95% des certificats émis étaient des certificats fantômes. ne correspondait à aucune séquestration supplémentaire. 95 %, c'est énorme. On voit que la réalité est bien éloignée de ce qui est annoncé comme augmentation du prix carbone. [00:42:11] Speaker C: Ça veut dire que tous les certificats qui ont été achetés pendant ce temps par ces projets En fait, on a pollué et on n'a définitivement pas réduit. [00:42:22] Speaker E: Exactement. Exactement. [00:42:25] Speaker C: Et c'est un peu pour ça que la STEM revient sur la conclusion que c'est un marché qui ne fait pas partie des solutions, que c'est une fausse solution. [00:42:34] Speaker E: Oui, parce qu'il y a ces problèmes de mise en œuvre qu'on vient de pointer du doigt, mais il y a aussi ces problèmes ou ces contestations sur le principe même de la compensation carbone, notamment du fait qu'on met sur un même pied des émissions de nature différente, qui répondent à des besoins différents. Et ça, une des autrices d'une étude que nous avions publiée avec Climate Alliance en 2016, l'avait déjà relevée. Cette distorsion entre, d'une part, des émissions qui sont liées à des activités de loisirs, par exemple, qui sont mis sur le même pied avec des émissions qui sont liées à des activités de subsistance. Ce qui est tout à fait... ce qui est tout à fait... comment dire... immoral. C'est inacceptable. En termes de justice sociale, en réalité. [00:43:42] Speaker C: — Oui, bien sûr, bien sûr. Et justice climatique, finalement. [00:43:45] Speaker E: — Oui. Oui. La justice climatique étant une sorte de déclinaison de la justice sociale, à mon sens. [00:43:54] Speaker C: Un autre paramètre important, quand même, c'est la question sur le prix du tonnage de CO2, parce qu'il n'est jamais réel. On entend des chiffres très différents. Et j'ai aussi lu sur ce site français qui explique un peu le système, qu'en fait il y a, pourquoi on doit, quelle est la différence entre une composition de carbone locale, nationale ou dans les pays du sud, qu'il y a une différence de prix de tonnage. Je trouve quand même ça déjà hallucinant d'avouer que c'est moins cher d'investir dans des projets dans le sud global que par exemple ici au Luxembourg ou en France. Alors qui définit ce prix ? [00:44:43] Speaker E: Ça, je n'ai pas de réponse précise là-dessus, mais de nouveau, c'est les aléas du marché. Donc, en fait, on se dit que le marché va bien réguler les choses, mais en fait, il ne les régule pas bien. [00:45:02] Speaker C: Oui, parce que par exemple, dans ce projet de Kenya, j'ai lu que les certificats ont été mis à un prix de 6 euros par tonne. On sait bien qu'ici, au Luxembourg, maintenant, on a déjà un prix de 35 euros par tonne depuis janvier 2024 et ça va augmenter encore. Et il y a des scientifiques qui disent que le prix réel au Luxembourg devrait être de 200 euros. Et c'est quand même des chiffres où on se dit est-ce que là, il y a une vérité là dedans ou est-ce que c'est tout illusionnaire? C'est tout spéculatif, en fait. Et tu ne veux pas répondre, j'ai l'impression, parce qu'en fait, tu veux dire que déjà, c'est de nouveau une marchandisation. de la nature. Tout le principe de donner un prix au CO2 est plus ou moins faux. C'est ça, la réponse. [00:46:05] Speaker E: Mais oui, parce que... J'en reviens à Karel Polanyi. Je crois que le marché n'est pas une réponse loin d'être faux à tout. Il faut le réencastrer dans les relations, dans la société. et dans l'ensemble du vivant. Quand on présente classiquement le développement durable comme une sorte d'ensemble avec trois cercles, il y a l'écologie, le social et l'économie, et alors on les met... sur le même pied. Et alors, on dit le développement durable, il se trouve à l'intersection des trois. Mais en réalité, c'est faux comme présentation. Comme si l'économie pouvait être sur le même pied que le social. et que le social pouvait être sur le même pied que l'écologie. Ce ne sont pas des cercles qui se placent l'un à côté de l'autre, ce sont des cercles concentriques. Donc, l'ensemble, c'est l'écologie. Je veux dire, c'est le système monde. Enfin, le système monde, on ne l'appelle pas comme ça, mais c'est le... C'est le cadre physique de notre environnement, du milieu terrestre. Ça, c'est l'écologie. À l'intérieur de ça, il y a les humains, avec les autres vivants. Et l'économie est là pour servir le social. Il n'existe pas en soi, il est un moyen pour assurer le bien-être des humains, l'économie. Mais il n'a pas d'existence en soi, c'est un moyen. Et donc placer, ça c'est le discours du développement durable où on place les trois cercles sur un même pied, c'est une vision tout à fait erronée de la réalité. [00:48:04] Speaker C: On a parlé maintenant de l'exemple au Kenya et dans l'étude que l'Institut a publiée, il y avait encore deux autres études de cas, parce que les trois sont un peu différents. Ce sont des projets très différents pour montrer aussi un peu la nature différente des projets. Maintenant, on a parlé au Kenya où il y a le système de pâturage qui voulait être changé. D'après mes informations, le projet est maintenant en hold parce qu'il y a vraiment de sérieux doutes que ça fonctionne. Est-ce qu'il y a un autre projet que tu voudrais présenter? [00:48:43] Speaker E: Oui, j'y reviendrai, mais il faut quand même savoir, à propos du projet au Kenya, c'est un projet qui a été initié, je crois, en 2012, 2013, avec des grands moyens, etc., et qui était présenté par l'Union européenne comme le modèle. C'était présenté comme quelque chose de... Je crois que c'était... La Commission européenne s'y référait comme un modèle à suivre. Or, aujourd'hui, Après dix ans et entre temps, le promoteur ou l'acteur qui a lancé ce projet a quand même déjà vendu des crédits sur la base d'informations qui sont tout à fait bancales ou en tout cas contestables. Mais aujourd'hui, quand on fait le constat, on réalise que rien n'indique que le surplus qu'on pouvait espérer de séquestration de carbone du fait du changement de la technique. d'élevage, rien n'indique que ce surplus était réel. Au contraire. Alors que déjà des certificats ont été vendus et qu'on présentait ce système comme un système tout à fait exemplaire, en réalité aujourd'hui, on constate que ce n'est pas du tout le cas. Et comme tu l'as dit, ça a été suspendu. Et comme autre exemple que nous avons repris, il y a cette acquisition par une société contrôlée par Total Energy, donc une société qui a négocié avec le gouvernement du Congo, Congo-Brazzaville, l'acquisition de terres qui était cultivée par des populations locales, par des paysans locaux. Il s'agissait d'un territoire de 70 000 hectares et dont 40 000 sont déjà en voie de plantation. Donc là, c'est vraiment un projet d'afforestation, comme on dit. c'est-à-dire qu'on va planter des arbres, alors que généralement, c'est des essences uniques, à croissance rapide, qui, de nouveau, posent des problèmes de biodiversité, etc., mais qui ont pour résultat de dévincer les paysans de leurs terres. Et donc, en fait, on ôte à des populations locales leurs moyens de subsistance, en réalité. Et alors, le discours consiste à dire, mais vous savez, il va y avoir d'autres emplois qui vont être créés. En réalité, ce sont des emplois qui ne sont pas du tout du même ordre et qui rendent les gens dépendants de l'opérateur sur place. Donc, on leur enlève de l'autonomie. C'est un peu comme les ce qu'on appelait les enclosures en Angleterre, quand on a commencé à mettre des clôtures sur les terres communes, les paysans ont dû quitter. On a créé une armée de chômeurs qui étaient, comment dire, facilement engagables exploitable par l'industrie, qui a pu se développer grâce à cette main d'œuvre bon marché. C'est ce qui se reproduit aujourd'hui quand, par exemple, on sanctuarise... C'est typique, il y a des ONG comme WWF qui prêtent à ce jeu-là. C'est scandaleux. On sanctuarise des espaces, en particulier en Afrique, et on... on impose aux populations locales de quitter les lieux. Et alors, on dit oui, mais vous allez pouvoir trouver du travail dans le secteur du tourisme qu'on va développer à côté de ça. Et donc, soit disant, on crée une forêt sanctuarisée qui aura davantage d'efficacité en termes de séquestration de CO2, soit disant. Et à côté de ça, on veut développer le tourisme. Finalement, les touristes qui viendront vont acheter des certificats pour compenser leur vol. Ils vont payer des certificats. Et à côté de ça, on a évacué des populations locales. et qui vivent un peu en marge de cette société nouvelle qui se constitue avec des emplois dans le tourisme ou avec toujours des relations de domination par rapport à elle. Alors il y a l'autre situation que nous avons ainsi évoquée et qui est vraiment intéressante parce qu'elle est assez illustrative. Donc l'autre situation, c'est la politique qui est menée par les Émirats arabes unis au travers d'une société qui est contrôlée par les familles dirigeantes de la pétro-monarchie, une société qui s'appelle Blue Carbon, qui vise à acheter en Afrique des terres ou en tout cas les droits concernant les émissions de gaz à effet de serre. Et donc les Émirats arabes unis négocient avec toute une série d'États africains en vue de mettre main basse, faire main basse sur des superficies énormes de territoire. Au Libéria, ça correspond à 10% de la superficie totale du territoire. Au Zimbabwe, ça correspond à 20% du territoire. Au total, les Émirats arabes unis sont en train de négocier des superficies équivalentes à la taille du Royaume-Uni en Afrique. Et donc, ça veut dire que les Émirats arabes unis, pour pouvoir justifier leur responsabilité climatique, disent non, nous on va continuer à produire de l'énergie fossile, on va continuer à produire, ça ne s'engage pas. Mais à côté de ça, on va compenser et donc on va acquérir ces terres et donc on va, d'une certaine manière ou d'une autre, réduire l'usage que les populations locales en faisaient pour que, eh bien, la séquestration soit plus importante de CO2. Outre toute la problématique qu'on a déjà évoquée d'attitude coloniale là-dedans, il y a aussi le fait que cette autre problématique, c'est qu'on ne sait pas comment ils vont faire, ils n'ont aucune expertise. Et voilà, ça va déboucher sur des projets soit tout à fait inacceptables pour les populations locales, soit tout à fait inopérants, comme on l'a vu avec le projet dont on vient de parler au Kenya. [00:56:53] Speaker C: Oui, parce que si la population n'est pas impliquée, n'est pas informée, c'est-à-dire que ça se fait tout en cachette. [00:56:59] Speaker E: Oui, alors ça se fait effectivement, ça se négocie avec les gouvernements, ou bien alors ça se négocie parfois avec certains certains chefs locaux. Mais de nouveau, là, on imagine des représentants de sociétés multinationales qui débarquent et qui vont voir des populations locales et qui vont leur faire signer des contrats en anglais que ces personnes ne comprennent pas. Et même, parfois, certains paysans qui utilisent depuis des siècles ou des années les terres n'ont pas de droit formel, n'ont pas de titre formel sur les terres parce que ce n'était pas ça l'organisation. Et donc, par exemple, au Liberia, Il y a une législation en 2018 qui a été adoptée et qui permettait aux paysans d'acquérir, non c'est pas au Liberia, c'était au Congo, d'acquérir un titre. Mais beaucoup de paysans ne l'ont pas fait parce que c'est des démarches bureaucratiques. Et donc, ils sont dépourvus, en fait, de moyens par rapport à, ici en l'occurrence, TotalEnergie, et qui a beau dire, nous, on a négocié avec l'État, et ces personnes qui occupent les terres, elles n'ont aucun titre ni droit, donc on n'a aucune raison de négocier avec elles. Voilà, donc on est dans des situations de ce type-là, dans la majorité des cas, de compensation carbone dans les pays du sud global. [00:58:40] Speaker C: Je veux seulement ajouter qu'on a beau critiquer les Emiratis et les Etats arabes, mais on sait très bien qu'il y a une interdépendance. Finalement, leur marché est fortement lié au nôtre. [00:58:59] Speaker E: Oui, évidemment. Donc, la consommation d'énergie fossile, elle est en grande partie aussi rendue nécessaire par un certain mode de vie. C'est le Nord global, mais le Nord global, ce n'est pas seulement une notion géographique, c'est aussi une notion plutôt sociologique, si on peut dire. Parce qu'en réalité, c'est toutes les classes dirigeantes qui ont tendance à se mondialiser. Aussi issues de pays du Sud, d'Inde, de Chine. ou d'Afrique, et qui font partie de cette classe aisée qui maintient un mode de vie qui est principalement aussi celui des classes du Nord, de l'Occident en réalité. [01:00:03] Speaker C: Je crois qu'on a assez critiqué le système. Quelles sont finalement les conclusions que le système prend ? [01:00:14] Speaker E: Les conclusions par rapport à ça, c'est de poursuivre, d'avoir des politiques volontaristes de réduction des gaz à effet de serre. Ça, c'est un premier point. Imposer à l'industrie une réduction encore de ses émissions. D'autre part, c'est alimenter de manière substantielle les financements, les fonds, qui permettent au pays du Sud global de s'adapter, de prévenir, donc d'atténuer, et de réparer les dommages. Donc c'est les trois volets Et pourquoi ? Parce que l'Occident, le Luxembourg aussi, d'une part, ont été ceux qui ont émis le plus dans le passé. dont la situation économique actuelle est liée aussi à cet état de fait depuis deux siècles. Et puis, finalement, d'abandonner le système de compensation carbone. En tout cas, de ne pas le promouvoir, de l'abandonner parce qu'il a des effets tout à fait pervers et contre-productifs. et de ne pas le promouvoir. Le gouvernement luxembourgeois est partenaire d'une sorte de salon des compensations au carbone qui se tient ici au Kirchberg. et où on promeut ce type de réponse qui est tout à fait problématique. Donc déjà, une des premières mesures pourrait être de ne pas soutenir, de ne pas promouvoir les initiatives de ce type-là. [01:02:19] Speaker C: Merci beaucoup, Mika. J'ai toujours deux questions que je pose à tous mes invités. La première est, qu'est-ce que tu ne veux plus devoir expliquer dans cinq ans ? [01:02:33] Speaker E: Pourquoi j'aimerais bien que les députés ne se disent pas je vais aller au Brésil essayer de convaincre une communauté déterminée par rapport à un projet spécifique. Et l'intérêt de ce voyage-là est bien plus important que les impacts qu'il a et donc je compense ce voyage en soutenant financièrement un projet par-ci par-là. [01:03:16] Speaker C: Un exemple très fictif. Il faut seulement regarder dans les médias ce qui s'est passé au juin dernier. On va trouver le projet. Et la deuxième question, si tu aurais la possibilité d'imprimer un slogan sur notre belle trame pour une semaine, quel serait ton slogan préféré? [01:03:43] Speaker E: Je ne suis pas très créatif par rapport à ce genre de choses-là, mais je dirais... Stop au mode de vie impérial. [01:04:01] Speaker C: Très bien, très concret. Alors, merci pour la visite, Michael. [01:04:07] Speaker E: Je te remercie pour l'échange intéressant et les questions pertinentes. [01:04:13] Speaker C: Et je m'en doute que la problématique va revenir lors de la prochaine COP29 en Azerbaïdjan. [01:04:20] Speaker D: Oui, sans doute, sans doute. [01:04:22] Speaker E: Il faut aussi savoir que les COP sont des lieux de discussion, de négociation, mais c'est aussi des lieux, ce sont des grands salons. Donc les industriels, les ONG, ils vont aussi pour participer à une sorte de marchandage. Et donc, les compensations carbone sont un des éléments qui se discutent aussi à cet endroit-là. Et donc, à côté de la partie négociation intergouvernementale, il y a tout un marché qui se développe et qui a ses moments de rencontre. Et les COP, comme Davos, en sont un. [01:05:05] Speaker C: Très bien. Merci, Michael, Lucas. [01:05:13] Speaker B: Et puis c'est culture, m'en m'en. [01:05:38] Speaker A: C'est nouveau de regarder si c'est vraiment si sustainable et s'appuie sur ce qu'il promet. C'est ce que j'ai apporté dans ce livre. C'est une étude française. Il s'appelle la Compensation Carbon Volontaire et a été réalisé en 2019 par deux postdoctorats à l'Université du Main. Les deux postdoctorats Angéline Chartier et Moïse Tsayem Demas Elles s'y sont posées. Elles ont été très empiriques. Le livre les explique, les objectifs, les approches, les problèmes sur lesquels elles se sont confrontées. Elles voulaient, d'une part, éclairer et définir les faits empiriquement. D'autre part, elles ont aussi pris du temps pour trouver des partenaires d'interview dans différents domaines. Par exemple, dans le domaine des ONG, où l'on parle avec les responsables de projets, en particulier en Mali et au Cameroun, des projets de compensation et aussi avec un représentant de l'administration locale de la forêt, ici en Europe. Ils ont aussi essayé d'accéder à des entreprises privées de certification. Ils le décrivent aussi, ce n'est pas tout simplement. Et bien sûr, ils ont aussi essayé d'inclure les entreprises multinationales, car elles profitent de l'échange de certificats de CO2. [01:07:10] Speaker B: C'est de la littérature soutenue aux thèses. [01:07:12] Speaker C: Que Michael Lucas a présentées et qui. [01:07:16] Speaker B: Vont probablement aussi apparaître dans les publications de l'ASD. CETIM est ouvert à partir du Centre de la Fonction Diamant, 136 à 138 rue Adolphe Fischer, dans la capitale. CETIM est ouvert du dimanche à lundi de 12h à 6h. [01:07:37] Speaker A: Tout à fait, et aussi à l'extérieur des pages d'ouverture. Contactez-nous, si vous avez des questions, par téléphone ou par e-mail, n'hésitez pas à nous joindre. Vous trouverez les infos sur notre site internet city.lu. [01:07:53] Speaker B: Tout ce qui a été discuté dans ce podcast est également enregistré dans les show notes. Je m'efforce particulièrement de rechercher tous les documents et d'enregistrer les PDF et les liens dans les show notes. Merci, Cédric. C'est tout pour ce mois pour moi. J'espère que vous avez apprécié cette vidéo. [01:08:44] Speaker C: Sous-titrage ST' 501.

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